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Diplomatie
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Diplomatie
Le 16 novembre 2011, Hugo Kriegel expose et défend son travail en vue d’obtenir son diplôme de fin d’études. Au deuxième étage de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, les trois membres du jury terminent leur visite et pénètrent dans la dernière pièce de l’exposition. Dans un espace vide, une femme et trois hommes sont assis côte à côte devant un mur blanc. Kriegel les remercie : ils sont restés immobile et silencieux pendant une heure, de 9h30 jusqu’à l’arrivée du jury. On trouve épinglés au mur trois types de documents : les e-mails que les participants ont échangés avec l’artiste, leurs emplois du temps réorganisés du 16 novembre, et la somme que leur présence ce matin-là soustrait à leur salaire mensuel. Trois chaises restent vacantes. A la lecture des documents au mur, le spectateur comprend qu’elles auraient pu être occupées par d’autres : des individus contactés par l’artiste qui ont décliné son invitation. Ceux-là sont allés travailler comme à l’ordinaire. L’œuvre comporte un versant invisible (mais suggéré) aux membres du jury : l’absence des quatre volontaires sur leurs lieux de travail, corollaire de leur présence aux Beaux-Arts. Leurs emplois du temps ont été réagencés, leurs collègues ont dû se réorganiser.
Le titre de l’œuvre renvoie au travail de diplomatie dont Kriegel a dû faire preuve pour convaincre les intervenants de venir passer une heure le jour de son diplôme, assis* les uns à côté des autres dans l’atelier vide. Les e-mails affichés au mur attestent des nombreuses conversations qui ont précédé l’œuvre. De vive voix et par écrit, l’artiste a justifié sa démarche ; il a persuadé chacun des intervenants du sens, de l’utilité et de la force de cet acte. Par leur présence ce jour-là aux Beaux-Arts, les volontaires manifestent en effet leur capacité, ainsi que leur volonté de jouir d’un temps libre. Ils quittent la logique de rentabilité du monde du travail, et décident de passer un moment à ne rien faire. Ils ouvrent une brèche dans leur journée de travail, et pendant une heure, renoncent à leur productivité habituelle. L’austérité de la mise en scène (la salle vide, les volontaires tournés vers le mur vierge) met l’accent sur cette absence de productivité. Les quatre volontaires sont inactifs, ils ne regardent rien, ne parlent pas : simplement, ils sont là. Un ostéopathe, un professeur de vente, un ingénieur commercial et un directeur à la SNCF pensent. Les documents au mur donnent une idée des raisons pour lesquelles certains n’ont pas pu, ou n’ont pas voulu se libérer. Un conducteur de métro, un boulanger, par exemple, n’ont pas été en mesure de s’octroyer ce temps improductif. Un psychanalyste a considéré cette heure comme trop précieuse, et a choisi de la consacrer plutôt à la rédaction de son livre. L’échec de la diplomatie et de la négociation avec ces individus nous amène à réfléchir au lien entre leur profession, leur statut, et la valeur de leur temps.
Diplomatie n’est pas une mise en scène. Ce n’est pas non plus une démonstration, ni une illustration : c’est une mise en situation orchestrée par Kriegel. En déplaçant des individus, en détournant la fonction de moments, l’artiste crée les conditions de possibilités d’un événement. La façon dont ces individus vivent l’expérience, les conséquences effectives de leur absence au travail n’importent pas : le geste seul est porteur de sens. La simplicité du dispositif, l’économie du geste engendrent une perturbation minime mais réelle. En cela, Diplomatie est une œuvre subtilement subversive. Avec Diplomatie, Kriegel imagine et occasionne une situation au sens debordien du terme.
Crédit : Emma.G